Story #04
[FR] La grande transhumance
Dans une quête des derniers nomades et des groupes ethniques de Perse et d’Asie Centrale, je suis parti pendant 16 mois avec mon van de la France à l’Afghanistan. C’est en Iran que j'ai croisé la route des nomades Qashqais durant leur migration d’automne.
LES PREMIERES RENCONTRES
Je ne sais pas si l’on s’habitue réellement à la grande chaleur de l’été en Iran. Pendant des semaines, on passe ses journées à se réfugier dans les zones d’ombre pour éviter tout contact direct avec le soleil. Cela fait un mois et demi que je suis en Perse et comme mon visa vient d’être prolongé, je vais pouvoir me concentrer sur l’objectif premier de ce long voyage : les nomades. En effet, en 2010, en trainant dans le bazar de Chiraz, j’avais croisé quelques femmes habillées de couleurs très vives. Les rouges, les roses, les turquoises contrastaient avec le classique tchador noir que porte une bonne partie de la population féminine iranienne. Curieux de connaître leur histoire, j’ai découvert tout un monde qui ne cesse de me fasciner. À l’époque, il était compliqué de se rendre dans un campement nomade, car ces tribus vivent loin des grandes villes. S’organiser pour aller à leur recherche s'avérait quasiment impossible et les rencontrer pendant une de leurs migrations relativement illusoire, mais je comptais bien y parvenir un jour. Voilà pourquoi je suis revenu ici, quatre ans plus tard, avec mon véhicule !
LA MIGRATION
En marge de la société, les nomades se déplacent loin des axes routiers principaux. Il faut donc user de patience, passer du temps dans leur région et observer leur fonctionnement. Avoir de bons contacts est essentiel, car seule une personne appartenant à la tribu connaît réellement leur mode de vie et sait où et quand les approcher. Les Qashqais, groupe d’origine turque de la province du Fars, pratiquent le pastoralisme et déplacent leurs troupeaux de moutons deux fois par an lors des transhumances. En automne, les tribus descendent des zones montagneuses du Zagros vers le Golfe Persique plus au sud. Hommes et femmes vont alors entamer - le plus souvent à pied - une migration qui s’étend de 100 à 300 kilomètres. Le bétail est conduit vers une région plus chaude où il passera l’hiver avant de revenir au même point au printemps. Ces transhumances sont pratiquées depuis des siècles, voir des millénaires et tendent à disparaître.
LA PHOTO
Après plusieurs jours d’approche et des dizaines de rencontres avec des familles Qashqais installées dans leurs campements, je me décide à retourner vers la civilisation, destination Chiraz, pour faire le point. Il est très tôt, le fixeur qui m’aide depuis le début de mes recherches me montre du doigt un point au loin à travers le pare-brise de mon van et me dit « Ashayer ! » - nomades dans sa langue, le persan. Je ne comprends pas tout de suite qu’un groupe est en train de se déplacer le long de la route, non loin de Firouzabad. En les dépassant, je réalise que c’est bien un important troupeau de bêtes dirigé par une famille en pleine migration. Je fais demi-tour. L’occasion est trop belle ! J’ai eu le temps de visser le 70-200 mm sur un boîtier et le 50 mm sur l’autre. Les hommes dirigent la marche, les femmes ferment celle-ci. Posté légèrement en hauteur, j’observe le mouvement du troupeau et photographie leur grande marche vers le soleil, vers la chaleur. La lumière est crue. Au 1/8000s je peux malgré tout avoir une grande ouverture (f/2,2) et sculpter ma profondeur de champ. Je cherche toujours à donner du volume à mes images alors je varie les mises au point. J’ai le temps de faire mes prises de vues et les nomades ne s’occupent pas de moi. Ils lèvent à peine la tête dans ma direction quand ils arrivent à mon niveau. Loin du tumulte des cités, leur activité semble se dérouler au ralenti.
Texte et photo publiés dans le magazine le Monde De La Photo #84 en Mars 2016
Extrait du livre Ashayer - nomades en persan - disponible en librairie et sur amudarya.com
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[EN] THE GREAT TRANSHUMANCE
In a quest for the last nomads and ethnic groups from Persia and Central Asia, I left for 16 months with my van from France to Afghanistan. It was in Iran that I met the Qashqais nomads during their autumn migration.
THE FIRST MEETINGS
I don't know if you're really getting used to the hot summer in Iran. For weeks, we spend our days taking refuge in the shade to avoid any direct contact with the sun. I've been in Persia for a month and a half and since my visa has just been extended, I will be able to concentrate on the primary objective of this long trip: the nomads. In fact, in 2010, hanging around the Chiraz bazaar, I had met a few women dressed in bright colors. The reds, roses and turquoises contrasted with the classic black chador worn by many of Iran's female population. Curious to know their history, I discovered a whole world that never ceases to fascinate me. At the time, it was difficult to get to a nomadic camp because these tribes lived far from the big cities. Organizing to go looking for them and meeting them during one of their relatively illusory migrations was almost impossible, but I was planning to do so one day. That's why I came back here four years later with my vehicle!
THE MIGRATION
On the fringes of society, nomads travel far from the main roads. It is therefore necessary to use patience, spend time in their region and observe how they function. Good contact is essential, because only someone from the tribe really knows their way of life and knows where and when to approach them. The Qashqais, a group of Turkish origin from the province of Fars, practise pastoralism and move their sheep herds twice a year during transhumance. In autumn, the tribes descend from the mountainous areas of the Zagros to the Persian Gulf further south. Men and women will then begin - most often on foot - a migration that extends from 100 to 300 kilometres. The cattle are led to a warmer area where they will overwinter before returning to the same point in the spring. These transhumances have been practiced since centuries, even millennia and tend to disappear.
THE PICTURE
After several days of approaching and dozens of meetings with Qashqais families living in their camps, I decided to return to Chiraz, a destination for civilization, to take stock. It's very early on, the fixer who has been helping me since the beginning of my research shows me a point in the distance through the windshield of my van and says "Ashayer! "- nomads in his language, Persian. I don't understand right away that a group is moving along the road, not far from Firouzabad. As I pass them, I realize that it is indeed an important herd of animals led by a family in full migration. I'm turning back. The opportunity is too good! I had time to screw the 70-200 mm on one case and the 50 mm on the other. Men lead the march, women close it. Sitting slightly high up, I observe the movement of the herd and photograph their great march towards the sun, towards the heat. The light is raw. At 1/8000s I can still have a large aperture (f/2,2) and sculpt my depth of field. I always try to give volume to my images so I vary the focus. I have time to shoot my pictures and the nomads don't care about me. They barely lift their heads up in my direction when they reach my level. Far from the tumult of the cities, their activity seems to be slowed down.
Text and photo published in the magazine Le Monde De La Photo #84 in March 2016
Extract from the book Ashayer - nomads in Persian - available in bookshop and on amudarya.com (Worldwide Shipping)
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