Story #05
[FR] Sous une tente Bakhtiari
Dans une quête des derniers nomades et des groupes ethniques de Perse et d’Asie Centrale, je suis parti pendant 16 mois avec mon van de la France à l’Afghanistan. C’est en Iran que j'ai été invité sous une tente à partager pendant plusieurs jours, la vie d’une famille de nomades Bakhtiaris.
D’INTENSES RECHERCHES
Je perds petit à petit les notions de distance et de temps. Cela doit faire quasiment cinq mois que j’ai quitté la France et je ne regarde plus beaucoup ma montre. Concentré sur un seul objectif : rencontrer des nomades. Chaque personne que je croise me dit avoir des contacts et m’envoie à l’autre bout d’une région. Je passe plus de temps dans mon van à rouler qu’à faire des photos. Mais tout va s’arranger grâce à un ami français d’origine iranienne. Youness sait depuis peu que je souhaite rencontrer les Bakhtiaris et il m’informe, par messages interposés, qu’il fait partie lui- même de cette tribu. Sa famille est sédentarisée à Shahrekord et il m’invite à rejoindre son cousin qui est prévenu de mon arrivée. Capitale de la province de Chahar Mahal, située à 100 kilomètres à l’ouest d’Esfahan, cette ville va devenir ma base de recherche pendant trois semaines. Et, ses cousins Moussa et Saleh, malgré leur emploi du temps chargé, se révéleront être des guides et traducteurs très efficaces.
UNE VIE SOUS LA TENTE
Étant donné qu’il est très compliqué d’approcher les nomades en Iran, principalement parce qu’ils sont difficiles à trouver, ce sont justement mes guides qui vont recueillir les renseignements pour les localiser. Après avoir obtenu l’autorisation officieuse de pouvoir accéder aux différents campements, nous y ferons dans les jours qui suivent de nombreuses visites. Les Bakhtiaris sont un groupe d’origine perse, leur langue est très proche du farsi. Tout comme les Qashqais, ils pratiquent l’élevage pastoral et vivent toute l’année sous leur tente en poils de chèvre. Très fiers et renfermés sur eux-mêmes, ils sont peu enclins à s’ouvrir à la civilisation, et n’hésitent pas à nous renvoyer quand on leur demande de photographier les femmes qui sont restées en retrait. Fusils dans le dos et pipes d’opium à la main, les sourires sont francs, mais les propos sont sommaires. Ils gardent toujours un œil sur moi et mon appareil. Il faut savoir se faire discret si on veut passer plus de temps avec eux. Souvent invité à partager les repas sous la tente, je suis systématiquement congédié à la tombée de la nuit et je regagne mon van pour dormir.
LA PHOTO
Pourtant, cette famille avec qui je viens de passer un après-midi a l’air plus ouverte. Ils sont curieux de ce que je fais et veulent me montrer plusieurs de leurs traditions. Leur Khan, le chef de clan, semble m’apprécier et, le sourire aux lèvres, il me montre plusieurs tentes sans faire trop attention à ce que je photographie. Je change en permanence d’objectif, car tout va très vite et je ne veux rien rater. 24, 50, 70-200 mm, la poussière rentre dans le boîtier, mais je ne vais pas m’en inquiéter maintenant : le problème fondamental est surtout la lumière qui change radicalement quand de l’extérieur, on passe sous les tentes. Pour le contourner, je garde en tête deux réglages bien distincts. Le timing est parfait, accroupi sous l’une d’entre elles, j’ai un grand-angle et cadre le haut de la tente pour donner une perspective intéressante. Une femme vient d’entrer et me fixe en continuant son chemin. Je n’ai le droit qu’à une seule photo. L’ouverture est à f/9 donc le risque de rater la mise au point est minime. Par chance, ses mouvements sont lents, car à 1/100s, il y a un risque de flou. L’extérieur est « cramé » à cause du soleil, mais peu importe. Ça rajoute un côté très graphique à la photographie qui dévoile si peu de couleurs. L’œil se concentre sur les lignes de cet habitat sommaire et en perçoit alors toute sa singularité.
Texte et photo publiés dans le magazine le Monde De La Photo #85 en Avril 2016
Extrait du livre Ashayer - nomades en persan - disponible en librairie et sur amudarya.com
Actualité sur @KaresLeRoy (Instagram & Facebook)
[EN] UNDER A BAKHTIARI TENT
In a quest for the last nomads and ethnic groups from Persia and Central Asia, I left for 16 months with my van from France to Afghanistan. It is in Iran that I was invited under a tent to share for several days, the life of a nomadic Bakhtiaris family.
INTENSIVE RESEARCH
I lose bit by bit the notions of distance and time. It must have been almost five months since I left France and I don't look at my watch much anymore. Focused on a single goal: meeting nomads. Every person I meet says they have contacts and sends me to the other end of the region. I spend more time in my van driving than taking pictures. But everything will be all right thanks to a French friend with Iranian origin. Youness has only recently found out that I want to meet the Bakhtiaris and he informs me, via messages, that he is part of this tribe himself. His family settled in Shahrekord and he invited me to join his cousin, who was prepared of my arrival. Capital of the province of Chahar Mahal, located 100 kilometers west of Esfahan, this city will become my research base for three weeks. And his cousins Moussa and Saleh, despite their busy schedules, proved to be very effective guides and translators.
A LIFE IN A TENT
Since it is very difficult to approach the nomads in Iran, mainly because they are difficult to find, it is my guides who will get the informations together to locate them. After receiving unofficial permission to access the various campsites, we will do numerous visits in the following days. The Bakhtiaris are a group originally from Persia, their language is very close to Farsi. Like the Qashqais, they are nomadic pastoralists and live all year round in their goat hair tents. Very proud and withdrawn, they are reluctant to open up to civilization, and do not hesitate not to send us back when we ask them to photograph women who have stayed behind. Rifles in the back and opium pipes in the hand, smiles are franks, but the conversations are summary. They always keep an eye on me and my camera. You have to be discreet if you want to spend more time with them. Often invited to share meals in the tent, I am systematically sent back to my van at nightfall.
THE PICTURE
Still, this family I just spent an afternoon with seems more open. They are curious about what I do and want to show me many of their traditions. Their Khan, the clan leader, seems to like me and, smiling at me, he shows me several tents without paying too much attention to what I photograph. I'm constantly changing my lenses, because everything goes very fast and I don't want to miss out on anything. 24,50,70-200 mm, dust enters the case, but I won't worry about it now: the fundamental problem is above all the light which changes radically when we pass under the tents. To get around it, I keep in mind two very different settings. The timing is perfect, squatting under one of them, I have a wide angle and I frame the top of the tent to give an interesting perspective. A woman has just come in and stares at me as she continues on her way. I'm only allowed one picture. The aperture is at f/9 so the risk of missing focus is minimal. Luckily, its movements are slow, because at 1/100s, there is a risk of motion blur. The background is over exposed because of the sun, but it doesn't matter. It adds a very graphic side to photograph, which reveals only few colors. The eye focuses on the lines of this summary habitat and perceives its singularity.
Text and photo published in the magazine Le Monde De La Photo #85 in April 2016
Extract from the book Ashayer - nomads in Persian - available online: amudarya.com (Worldwide Shipping)
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