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STORY #16

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[FR] ASHAYER     

Dans une quête des derniers nomades et des groupes ethniques de Perse et d’Asie Centrale, Kares Le Roy est parti pendant seize mois avec son van de la France à l’Afghanistan. Il termine ainsi son voyage, aux confins du monde asiatique, à la frontière de la Chine, à la source du fleuve Amu Darya, au milieu des nomades kirghizes qui peuplent le corridor du Wakhan.

 

ASHAYER 

C’est le nom du projet qui me porte depuis plus d’un an. De la France, j’ai roulé et marché jusqu’ici, au fin fond de l’Afghanistan. Je rêvais de rencontrer les nomades kirghizes du corridor du Wakhan alors que cette communauté s’est réduite à une centaine de familles. Personne ne sait comment ils arrivent encore à subsister dans des conditions de vie extrêmes. Dans le village de Chylpa, les familles s’organisent autour de rites immuables où les femmes couvertes de voiles blancs sont mariées tandis que celles en rouge ne le sont pas.

LA PHOTO

Sous une yourte, des femmes s’affairent à préparer du pain. Deux d’entre elles se relèvent face à une marmite enfumée et surprises de me voir surgir de l’ombre, se figent face à moi. J’ai pris mes précautions en restant à f/5 en ouverture. Cela m’évite de rater mon sujet. Au 1/125s, je sais que je n’ai qu’une petite marge d’erreur pour éviter le flou et je ne veux pas monter à plus de 500 Iso pour garder de la qualité. Chaque mouvement que j’entreprends est au ralenti. Entre curiosité et méfiance, elles me regardent quelques secondes avant de s’écarter et de reprendre leur activité. Mes yeux brûlent, mais je ressens, pour la première fois depuis le début de ce long voyage, la satisfaction du travail accompli. Je pense aux miens et à mon retour d’ici quelques semaines... Je ne savais pas à ce moment précis que cette photo ferait la couverture de mon deuxième livre, Ashayer, nomades en persan.

LA FIN D’UNE ÉPOPÉE

Tout va s’enchaîner après cette dernière photo. J’ai pris la direction de la France, bien décidé à rentrer au plus vite. La chance, qui ne m’avait pas quitté jusqu’ici, me fait défaut sur le chemin du retour. La fatigue accumulée, une vigilance émoussée, me font
oublier de mettre de l’eau dans le radiateur. À Mashhad, en plein juillet, je regarde cet amas de taule qui ne veut plus tourner. Je m’en moque, car j’ai presque réussi mon pari. Rouler à 50 km/h pendant 4000 kilomètres sous 42 degrés. Le van déborde des trésors rapportés des quatre coins de l’Asie. Il n’y a plus de place pour dormir dedans. Je suis épuisé et une barbe d’ermite a envahi mon visage. Le moteur fume et en Turquie, personne ne m’aide, car on me prend pour un djihadiste de Daesh. J’ai tout pour. La barbe rousse, le teint clair, le nom d’un Breton, et le détail des détails, celui qui tue, le plus suspect, le plus accusateur: une plaque d’immatriculation française. Dernière péripétie à la frontière de l’Europe. Je ne suis plus très loin et j’ai vu pire...


Texte et photo publiés dans le magazine le Monde De La Photo #96 en Mars 2017

Extrait du livre Ashayer - nomades en persan - disponible en librairie et sur amudarya.com

Actualité sur @KaresLeRoy (Instagram & Facebook)



[EN] ASHAYER        

In a quest for the last nomads and ethnic groups from Persia and Central Asia, I left for 16 months with my van from France to Afghanistan. He ends his journey, at the borders of the Asian world, on the border with China, at the source of the Amu Darya river, among the Kyrgyz nomads who populate the Wakhan corridor.

 ASHAYER

This is the name of the project that has been with me for more than a year. From France, I drove and walked here, deep in Afghanistan. I dreamed of meeting the Kyrgyz nomads in the Wakhan corridor when this community was reduced to about a hundred families. No one knows how they still manage to survive in extreme living conditions. In the village of Chylpa, families are organized around immutable rituals where women covered in white veils are married while those in red are not.

THE PICTURE

Under a yurt, women are busy making bread. Two of them stand up in front of a smoky pot and surprised to see me emerge from the shadows, freeze in front of me. I took my precautions by staying at f/5 at the opening. It keeps me from missing my subject. At 1/125s, I know I have only a small margin of error to avoid blurring and I don't want to go up to more than 500 Iso to keep quality. Every move I make is in slow motion. Between curiosity and mistrust, they look at me for a few seconds before moving away and resuming their activity. My eyes are burning, but I feel, for the first time since the beginning of this long journey, the satisfaction of the work accomplished. I think of mine and my return in a few weeks' time... I didn't know at the time that this photo would be on the cover of my second book, Ashayer, nomads in Persian.

THE END OF AN EPIC

Everything will follow one after the other after this last picture. I headed for France, determined to return as soon as possible. Luck, which had not left me until now, is lacking on the way back. The accumulated fatigue, a blunt alertness, makes me forget to put water in the radiator. In Mashhad, in the middle of July, I look at this pile of prison that no longer wants to turn. I don't care, because I almost made my bet. Drive at 50 km/h for 4000 kilometres under 42 degrees. The van overflows with treasures brought back from all over Asia. There's no more room to sleep in it. I'm exhausted and a hermit's beard has invaded my face. The engine smokes and in Turkey, nobody helps me, because people think I'm a Daesh jihadist. I have everything I need. The red beard, the light complexion, the name of a Breton, and the details, the one that kills, the most suspicious, the most accusatory: a French license plate. Last adventure at the European border. I'm not very far away anymore and I've seen worse...


Text and photo published in the magazine Le Monde De La Photo #96 in May 2017

Extract from the book Ashayer - nomads in Persian - available in bookshop and on amudarya.com (Worldwide Shipping)

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